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Pr Lahsen Aït Brahim : « Il faut éviter de véhiculer les fausses prophéties apocalyptiques »


Rédigé par Houda BELABD le Lundi 11 Septembre 2023

Al Haouz a tremblé, le moral des Marocains aussi. À l’échelle locale, soit à Casablanca, Rabat, Salé, Kénitra et dans les environs, le moral des citoyens est au plus bas. Dans les cafés et les gares ferroviaires, les navetteurs et voyageurs occasionnels ont les yeux rivés sur les moyens d’informations classiques et digitales à l’affût de la moindre information apaisante. Mais les fake-news sont partout. Comme celle présageant un scénario apocalyptique pour Casablanca-Settat. Au milieu de ce climat d’abattement, « L’Opinion » a tendu le dictaphone au sismologue Pr Lahsen Aït Brahim, expert en construction parasismique, professeur universitaire et auteur de moult essais et livres sur la question.



Photo : droits réservés.
Photo : droits réservés.
 
 
- Dans les régions de Casablanca-Settat et de Rabat-Salé-Kénitra, les esprits commencent à s'apaiser, suite aux messages rassurants des organismes scientifiques invitant les citoyens à se calmer et à reprendre leur vie quotidienne le plus naturellement du monde. Mais qu'en est-il de l'ampleur des répliques qui nous guettent et qui seront ressenties localement au cours des prochaines semaines ?
 
- Tout d’abord, par respect à la déontologie professionnelle et l’éthique scientifique, je suis tenu d’être honnête et rappeler que ce que nous venons de vivre à l’échelle nationale et locale n’est pas anodin. Un tremblement de terre d’une magnitude de 7 sur l’échelle de Richter n’est pas une mince affaire. A l’épicentre, il y a eu des pertes humaines et matérielles. De plus, il y a eu autant de mal que de peur dans les régions très proches de Marrakech. Localement, il y a eu de la peur les premiers jours, il y a eu de vraies et fausses alertes quant aux répliques, mais toujours concernant l’échelle locale, il n’y a pas eu danger et il n’y aura pas de danger, en tout cas pas suite aux répliques du séisme d’Al-Haouz. Le pire est bien derrière nous. La grande secousse tellurique de vendredi soir fait désormais partie du passé.
 
- Toujours à l'échelle locale, les habitants de certains quartiers dont la construction remonte aux premières années du Protectorat parlent plus que jamais auparavant de la vulnérabilité sismique de leurs maisons. Les habitants des zones rurales de la région Casablanca-Settat se rendent, encore plus, de l'irrespect du code de la construction antisismique qui sévit et résiste à tous les discours scientifiques. Comment trier le vrai du faux au milieu de ce brouhaha grandement assisté par les fake-news et les réseaux sociaux?
 
- Maintenant que nous avons la version des sismologues marocains comme quoi le pire est loin derrière nous, que ce soit à l’échelle locale ou au niveau de l’épicentre, cela ne sert strictement à rien de véhiculer ces fausses prophéties apocalyptiques. D’ailleurs, la preuve en est que personne n’a rapporté au niveau de Casablanca, Rabat, Kénitra, Salé ou au-delà, même pas au niveau des vieilles médinas et vieux quartiers populaires, qu’un meuble s’est renversé ou qu’un verre d’eau s’est renversé ou qu’un robinet a éclaté lors du séisme d’Al-Haouz. Cela veut tout simplement dire que l’épicentre a amorti le coup. De plus, en me basant sur mon expérience et sur tous les séismes de l’Histoire, les répliques de 7 ne peuvent être que moins fortes et moins dévastatrices. Au pire, au vraiment pire, nous risquons d’avoir une ou quelques répliques des magnitudes de 4 et de 5 qui seront moyennement ressenties par les Marocains où qu’ils soient. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Nous autres sismologues n’avons aucun intérêt à mentir à la population.
 
- Les rumeurs étant, de nos jours, à portée de clics, un grand nombre de personnes pense que les scientifiques et les médias sont de plus en plus rassurants par simple crainte de créer la psychose et la panique générale. Que faudrait-il en penser, professeur ?
 
- Il faudrait se méfier de ces discours qui créent paradoxalement le résultat inverse, c’est-à-dire la psychose elle-même et la panique générale elle-même. Parce que, lorsque les populations locales, régionales, nationales, ne sauront plus ni à quel saint se vouer ni quel discours croire, cela ouvrirait la voie aux fake-news. Et en parlant de ces fake-news qui veulent nous faire croire que les scientifiques et les médias veulent cacher qu’il y a eu des répercussions locales, pourquoi, de grâce, cacherions-nous un drame local au lieu de le soigner ? Il y a, certes, eu des dégâts minimes dans certains douars à Settat, comme les fissures au niveau des murs, du plafond et du sol, mais il ne faut pas oublier que ceci est dû au non respect au code de la construction antisismique. Le gouvernement, dans ce sens, fait toujours le nécessaire, voire plus. Les ingénieurs en béton armé seront mobilisés dans les régions concernées.
 
- Il y a environ vingt ans, le séisme d’Al-Hoceima a lui aussi fait cahoter Casablanca et sa région. Rappelez-nous ce qui s’est exactement passé…
 
- Le séisme d’Al-Hoceima a eu lieu le 24 février 2004 avec une magnitude de 6,3 sur l’échelle de Richter causant des centaines de morts et autant de blessés. L’épicentre a eu lieu dans une zone rurale limitrophe de la ville mais les autres villes marocaines en ont également tremblé. Les répliques de ce tremblement de terre ont été amorties et n’ont pas fait de morts. 
 
- Que faut-il faire, dorénavant, pour « amortir cette situation » ?
 
- Pour hausser le pays à la hauteur de ses défis en perspective, commençons par sensibiliser nos proches, amis et accointances quant à l’importance de respecter le code de construction antisismique que ce soit en ville ou à la campagne. Mieux vaut investir dans des constructions qui coûtent un bras que dans des constructions qui coûtent des vies.